Prologue
--- Ecosse, 1842 ---
La vie était dure en ce temps-là. Le père de Lily, un ancien commerçant avait fait faillite après avoir été roulé par son associé et était criblé de dettes. Sa soeur était obligée de se vendre aux hommes certaines nuits afin de subvenir aux dépenses de la famille. Arrivant à sa majorité, Lily avait peur d'en venir elle aussi à se prostituer. De plus, sa mère avait contracté la maladie et les dépenses s'accumulaient. L'argent apporté par les deux travails de son père et celui de sa soeur ne suffisait plus. Elle savait qu'il fallait qu'elle leur apporte elle aussi de quoi payer nourriture et médecin. Aussi se mit-elle à la recherche d'un travail. Serveuse. Elle ne garda ce travail que deux jours, renvoyée après avoir cogner un client qui l'avait touché aux fesses. Son gros défaut était son sale caractère et son tempérament de feu. Elle ne se laissait jamais faire. Chanteuse. Elle n'avait pas plus au public et s'était également fait renvoyée. Pour le reste, soit il n'y avait pas besoin de personnel, soit elle n'avait pas les conditions requises. Les seules places vacantes restaient en maisons closes et sur le trottoir. Et elle ne pouvait pas. La seule idée de vendre son corps la révulsait et sa soeur était tellement malheureuse de son état qu'elle ne voulait pas faire pareil qu'elle. Pourtant, il fallait trouver une solution. Et cette solution tardait...
Un soir, sa mère les quitta après toutes ses souffrances, la maladie l'ayant emporté sur sa volonté de vivre. Tout le monde fut anéanti. Son père dépérissait à vue d'oeil, sa soeur déprimait, et elle... Elle se devait d'être forte pour eux malgré son chagrin. Après tout, c'était sa faute si sa mère avait manqué de soins. Un jour, alors qu'elle rendait visite à une vieille amie de la famille, elle apprit qu'on offrait une forte somme d'argent pour 'services rendus'. L'amie en question était chargée de recruter des jeunes filles qui pourraient remplir le rôle.. Quel rôle? Lily le lui demanda et on lui répondit qu'elle ne serait pas intéressée. Tenue par le secret, l'amie ne pouvait lui dire en quoi consistait ce travail. Malgré tout, l'obstinence de Lily eut raison d'elle et elle obtint rendez-vous avec son potentiel patron.
Aujourd'hui, elle se trouvait assise dans une pièce au milieu d'autres filles qui paraissaient... Enfin, disons qu'elle se détachait du lot par sa simplicité vestimentaire et son manque de maquillage. Une vieille femme entra dans la pièce; elle leur expliqua qu'on cherchait une jeune fille pour porter l'enfant d'un homme. Lily pâlit. Que faisait-elle là? Elle ne pouvait pas faire ça... Elle se leva une fois la vielle femme repartie avec une première fille à l'air hautain. Sur le retour, elle croisa sa soeur qui arrivait le teint blafard en courant : leur père avait été contaminé et avait lui aussi contracté la maladie. Il se trouvait cloué au lit avec une forte fièvre et il n'y avais plus d'argent pour faire venir le médecin. Elle n'avait pas le choix, ils avaient besoin d'argent. Elle retourna aussi net vers l'endroit qu'elle avait quitté. Si elle avait une telle chance de pouvoir sauver son père, il fallait qu'elle la saisisse, elle et non sa soeur. C'était uniquement sa faute si sa mère était morte, même si on l'avait asssurée du contraire.
Elle entra la dernière dans la pièce, nerveuse et toute blanche. Elle savait qu'elle s'apprêtait à se vendre, mais au moins ce ne serait que pour une seule et unique fois, enfin, du moins pour un seul homme. Elle doutait aussi. Elle n'avait rien en commun avec toutes ses filles qui étaient passées avant elle.
“Asseyez-vous mon enfant, lui intima la vieille femme.
Elle s'exécuta, tremblante. Elle entendit chuchoter.
- Pourquoi venez vous, mon enfant?
Elle prit son courage à deux mains et répondit hésitante :
- Mon père est malade et nous n'avons plus d'argent pour le soigner, ni même pour nous nourrir.
Elle entendit de nouveau chuchoter après un moment. Cela venait d'un paravent. Elle devina que 'l'employeur' était derrière.
- Levez-vous et tournez-vous, mon enfant.
Elle s'exécuta.
- Monsieur demande si vous n'avez pas d'autre moyen de vous procurez la somme dont vous avez besoin.
- Monsieur a-t-il quelques suggestions autre que de se prostituer ou de faire des études qu'on ne peux payer? Fit-elle en essayant de garder son calme. Si elle était là, c'est qu'elle n'avait pas d'autre choix!
- Vous êtes très jolie, vous pourriez trouver un mari digne de vous.
- C'est vrai, je pourrais me vendre pour la vie. Mais je crois savoir que les exigences de monsieur sont de plus courte durée.
De nouveau des chuchotements.
- Monsieur demande si...
- Ne peut-il pas le demander lui-même?
- Vous ne devez pas savoir qui il est, et encore moins son nom.
- Je ne demande pas à savoir, j'aimerai juste entendre sa voix.
Il y eut un silence, puis...
- Le son de ma voix vous apportera-t-il quelque chose?
C'était une voix grave et tout à fait plaisante.
- Un peu. J'aime savoir à qui j'ai à faire.
Ca y est, elle recommençait. Ne pouvait-elle pas se taire? Elle risquait de se faire envoyer paître!
- Vous est-il déjà arriver de faire une telle chose? Reprit-il.
- Non. Jamais. Pourrais-je vous demander une faveur? J'aimerai avoir l'argent rapidement, si c'est moi qui ai choisie. Je voudrai que mon père soit soigné au plus vite. Et je respecterai mes engagements, ne vous en faites pas, osa-t-elle demander.
- Le ferez-vous?
- Bien sûr, baissa-t-elle la tête. Ne suis-je pas là pour cela?
Elle empêcha une larme de couler.
- Dois-je continuer à chercher? Chuchota la vieille dame au paravent.
- Non, c'est elle.”
